Et si l’ambition de faire de Lorient la référence mondiale de la course au large, à laquelle Fabrice Loher, président de l’Agglo, s’accroche comme un skipper à la barre de son voilier, était atteinte ? En décrochant le contrat de The Transat CIC pour les éditions 2024 et 2028, Lorient renoue avec les grandes courses. Brest avait renoncé à l’accueillir, alors « Lorient s’est présenté à OC Sport Pen-Duick comme étant la bonne solution ».
« Derrière les murs du bunker »
« Il faut que les Lorientais se rendent compte de ce qu’il y a derrière les murs du bunker à La Base », insiste Fabrice Loher, admettant que ce cœur battant du milieu de la voile est isolé du reste de la ville. « Je pense que Lorient est restée repliée sur elle-même pendant trop longtemps, mais la ville va se transformer en une grande porte d’entrée, grâce à ce point d’attrait », soutient Jean-Philippe Cau, président de l’association Lorient Grand Large.
« Faire sa place au soleil »
La dernière course de cette ampleur accueillie à Lorient n’était qu’une étape de la Volvo Ocean Race en 2015. Pourquoi cette rupture avec la course au large ? « C’est une bonne question », soulève Jean-Philippe Cau. « C’est très difficile de faire sa place au soleil, admet-il. La difficulté à se démarquer vient aussi du fait que des événements comme le Vendée Globe, La Route du Rhum ou la Transat Jacques Vabre, sont trois épreuves qui existent depuis longtemps et ont atteint des niveaux de financement très conséquents, qu’une collectivité comme Lorient Agglo ne peut pas se permettre ».
L’histoire entre Lorient et le nautisme ne date pas d’hier. Il y a 40 ans, la ville aux six ports rayonnait par la transatlantique Lorient-Les Bermudes-Lorient, dont la troisième et dernière édition a lieu en 1989. Les organisateurs créent ensuite la Transat Jacques Vabre en 1993, qui échappe à Lorient, attrapée par Le Havre (Seine-Maritime). En 2017, le maire de Lorient annonce le retour de la course des Bermudes, mais elle est reportée à plusieurs reprises, d’abord pour des questions logistiques puis en raison du faible nombre d’équipes engagées en 2023.
« Une activité multipliée par trois en dix ans »
Pourtant, « La Base grossit en attractivité et pas seulement en pays de Lorient, c’est tout le Morbihan et la Bretagne-Sud qui sont tournés vers ce port ». Jean-Philippe Cau en est certain : « Vous ne verrez pas un autre site aussi largement tourné vers la course au large. La Base existe 365 jours par an, 24 h sur 24. Ce n’est pas comme à Saint-Malo ou au Havre, où les gens ne voient les bateaux qu’une fois par an, au moment des grandes courses. Ici, toute l’année, le public peut aller sur les pontons pour aller toucher un Imoca. C’est un quartier entier dédié à la course au large ».
Avec la Compagnie des Indes en 1666 et l’implantation de Naval Group, l’économie lorientaise repose historiquement sur le commerce et la construction navale mais, aujourd’hui, le secteur nautique a le vent en poupe : de la course au large à tout ce qui la fait vivre, les retombées économiques atteignent les 35 M€ annuels. « C’est une activité qui croît beaucoup, elle a été multipliée par trois en dix ans », assure Fabrice Loher.
« On nous regarde »
En accueillant la Transat CIC, la boucle est bouclée. « Il y a un vrai lien historique, avec les exploits d’Éric Tabarly » : Jean-Philippe Cau évoque le navigateur emblématique du pays de Lorient. Le 23 mai 1964, lors de la deuxième édition de la Transat anglaise, ancêtre de la CIC, le skipper largue les amarres à Plymouth (Angleterre), direction New York. Il traverse l’Atlantique Nord en 27 jours et vole la victoire aux Anglais à bord de Pen Duick II. Lorient, devenu port d’attache de Tabarly, s’impose ensuite en termes d’accueil du nautisme en France.
Pour Fabrice Loher, Lorient est une référence, même s’« il ne faut jamais considérer les choses comme acquises » : « L’objectif est atteint mais il y a toujours du travail. On nous regarde, les autres villes voudront, elles aussi, s’imposer comme pôle de course au large ».